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Introduction à la musique de Louis Andriessen
par Elmer Schönberger

Dès l’âge de vingt ans, dans Nocturnen, Louis Andriessen avait déjà manifesté son adhésion aux tendances francophiles pour lesquelles sa famille, un clan de compositeurs, était renommée. Au cours des années suivantes, il fournit dans diverses Ittrospezioni un commentaire opiniâtre sur ses expériences dans le nouvel univers de la série et de la raison, éleva l’absence même de style au rang de style dans les deux Anachronie, et esquissa l’épure de son avenir musical dans Contra tempus. Ce fut toutefois avec De Staat, en 1976, qu’Andriessen imprima sa marque indélébile sur la musique de l’Europe d’après-guerre. Non seulement De Staat marquait l’avènement de ce qu’on considère depuis comme le "véritable" Louis Andriessen, mais fracturait aussi la musique hollandaise en "pré-" et "post-". La source d’une grande partie de ce qu’on a qualifié depuis, de "musique hollandaise typique", est indubitablement cette combinaison stimulante et immédiatement reconnaissable de pianos, harpes, instruments à vent, guitares basses et ensembles vocaux aux voix rapprochées, de bravoure et de monumentalité, de formalité et de spontanéité, de minimalisme américain et de prosaïsme terrien hollandais, qui donne à De Staat sa qualité sonore particulière et son dynamisme.

Toutes ces caractéristiques, y compris l’application des techniques de la musique minimaliste, le matériau mélodique et harmonique entraînant, et les formes en chaîne riches en contrastes, représentent le point de départ d’une quête qui a mené le compositeur aux confins du sujet musical et extra-musical, depuis De Tijd (Temps) à De Snelheid (Vélocité) et de De Materie (Matière) jusqu’à Tao (La voie). La thématisation de telles idées générales n’a pas cessé de présenter de nouveaux angles compositionnels – une musique nouvelle "sur" ces concepts, pour employer un terme favori à Andriessen. L’oeuvre typique d’Andriessen est une composition riche en curiosité philosophique, dont l’identité est issue des choix constamment changeants mais toujours explicites dans le domaine de la structure et du matériau, et de l’interaction entre constructivisme spéculatif et empirisme instinctif.

Mais l’oeuvre d’Andriessen n’est nullement uniforme. Elle embrasse au contraire de nombreux genres, prend aussi bien au sérieux le poids plume que l’étude aprofondie; elle est d’une générosité peu moderniste dans la façon dont elle reconnaît son affinité avec d’autres influences musicales, que ce soit celle de Stravinski ou Charlie Parker, de Bach ou de Ives, le boogie-woogie ou le rap. C’est cette ouverture d’esprit, alliée à une stricte discipline, qui a fait d’Andriessen un professeur très recherché et qui a influencé toute une génération de compositeurs, entre autres Steve Martland, David Lang, Julia Wolfe et Cornelis de Bondt. Les compositions d’Andriessen évoluent entre des extrêmes: de la rhétorique violente à la pure beauté intemporelle, de la musique rapide, bruyante, extravertie de De Stijl à la musique posée, sobre et méditative de Hadewijch, du théâtre musical à grande échelle de Rosa à la modeste musique de scène de Danses. Tout ceci est présenté dans toute une gamme d’instrumentation, allant d’un orchestre d’instruments à vent (dans Symphonies des Pays-Bas, cette miniature enjouée De Staat) à un clavecin élégant dans l’Ouverture d’Orpheus.

Le fait que la genre symphonique traditionnelle est absente de son oeuvre est une conséquence logique de la position politique catégorique d’Andriessen pendant les années soixante-dix. Son unique "symphonie" est une oeuvre avec handicap intégré: la Symfonie voor losse snaren – symphonie pour cordes à vide réaccordées intentionnellement. De même que ce choix délibéré d’abandonner l’orchestre symphonique pour le son idiosyncrasique d’ensembles lui appartenant, au moyen de la création de formations telles que celle de Hoketus et celle toujours en mouvement De Volharding, produisit le son Andriessen typique; l’idéal d’une pratique musicale démocratisée prit forme dans la brillante homophonie de De Staat, avec ses blocs d’accords et mélodies à l’unisson qui exigent une précision très aigue.

L’innovation musicale est politiquement dangereuse, à en croire le quatuor pour à voix de femmes citant Platon dans le propre Politeia d’Andriessen – c’est-à-dire De Staat. Prenant Brecht pour modèle, De Staat utilise l’exemple pour le réfuter. Si cela pouvait être vrai! Si seulement Platon avait eu raison, crie la musique, non pas dans le texte grec chanté mais dans les notes sincères au fond dequelles les paroles sont enfouies. C’est un message idéaliste que la musique de Louis Andriessen – même si c’est un message entre les notes – répète constamment sous des formes innombrables et variées, bien au-delà de The Last Day (du Dernier Jour).

Elmer Schönberger, 1998
(musicologue, auteur, compositeur, et coauteur avec Andriessen de l’étude sur Stravinski, The Apollonian Clockwork)

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