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Introduction à la musique de Rouse
par Mark Swed

On a qualifié sa musique de tourmentée. On l'a aussi qualifiée d'excessive. Christopher Rouse a produit, dans une série de grandes œuvres orchestrales dramatiques, dont deux symphonies et le Concerto pour trombone couronné par le Pulitzer Prize, une musique qui figure parmi la musique symphonique américaine la plus cathartique. Avec ces œuvres, Rouse a contribué à renouer avec la tradition des grands symphonistes américains. Néanmoins, il n'est pas étonnant de sa part qu'il ait également écrit des noëls que l'on ne peut pratiquement pas distinguer des authentiques vieux noëls – sauf que les paroles, lorsqu'elles sont traduites, sont absurdes. Il n'est pas surprenant non plus qu'il ait composé un jour une digression orchestrale intitulée Bump, décrivant "une tournée du Boston Pops en enfer".

La musique de Christopher Rouse a souvent une intensité obsédantes, mais la façon la plus naturelle de décrire le compositeur est néanmoins d'utiliser des images extrêmes. C'est un compositeur pour lequel un attrait pour la mythologie grecque et une prédilection pour les parcs d'attractions ne sont pas incompatibles, et chez lequel les déclarations les plus profondes et les plus sérieuses sont souvent imprégnées d'un humour pétillant. Par exemple, il compare le processus par lequel, dans sa Symphonie no.2, la musique gaie et innocente du premier mouvement est filtrée à travers un Adagio déchirant dans un finale sombre, agressif et violent, à l'idée de "Bambi se changeant en Godzilla". Toutes ces contradictions réussissent néanmoins à s'exprimer grâce à la maîtrise technique de Rouse. Sa méthode de travail, entre autres, est caractéristique: délaissant les esquisses pour laisser un morceau complet prendre forme dans sa tête, il écrit ensuite en général directement la partition d'orchestre.

Né à Baltimore en 1949, Rouse est un des premiers compositeurs américains à avoir fusionné avec naturel toute la diversité de l'expérience musicale typique de sa génération. Ses titres universitaires comprennent un diplôme du Conservatoire de musique d'Oberlin, suivi en 1977 d'un doctorat en composition de Cornell University; au nombre de ses professeurs ont figuré George Crumb, Karel Husa et Richard Hoffmann. Ses titres non universitaires comprennent une participation active à la musique de sa génération, le rock and roll des années soixante.

Rouse acquit ainsi dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt une réputation de compositeur capable de fusionner cette formation conventionnelle et l'esprit tapageur du rock. Il devint célèbre pour sa musique très bruyante, énergique et dramatique, souvent virtuellement programmatique et parfois humoristique. Bien que surtout connu comme compositeur pour orchestre (Rouse fut de 1986 à 1989 compositeur résident de l'Orchestre symphonique de Baltimore), il sut également diriger son don pour les textures somptueuses et les sonorités fortes et colorées vers la musique de chambre, y compris musique pour percussion et pour ensembles mixtes. Professeur de composition à l'Eastman School of Music, il est aussi cité dans les ouvrages de référence pour avoir donné le premier cours officiel dans une grande école de musique sur l'histoire du rock.

Au milieu des années quatre-vingt, la musique de Rouse subit cependant une transformation en apparence surprenante: de rapide et fougueuse, elle devint lente et introspective. Dans une série de grandes œuvres orchestrales, ses deux symphonies et plusieurs concertos, Rouse a exploré l'adagio tout en adoptant des formes musicales et un langage harmonique plus traditionnels, comme si les Beatles avaient été écartés en faveur de Bruckner. Mais cet apparent revirement peut être en fait considéré aujourd'hui davantage comme une évolution. Une oeuvre rapide et agressive comme Gorgon (1984) n'est pas seulement une pièce orchestrale brillante mais aussi, avec sa force foncièrement brutale, une métaphore d'un affrontement des gorgones de la vie évitant le changement en pierre.

Avec sa Symphonie no.1, couronnée par le Kennedy Center Friedheim Award en 1988, Rouse essaie consciemment d'écrire l'antithèse de Gorgon – une musique moins dissonnante, imprégnée de motifs romantiques lents et sombres, la rage du monde précédent changée en réflexion. Mais les adagios de Rouse, comme ceux de Mahler et de Chostakovitch, sont dramatiques, peut-être aussi dramatiques même que ses prestissimos. Dans son Concerto pour trombone, commandé par le Philharmonique de New York et couronné par le Pulitzer Prize for Music en 1993, Rouse commémore Leonard Bernstein et Aaron Copland, décédés tous deux pendant sa composition, et assigne au trombone un caractère élégiaque quasi théâtral.

Dans son Concerto pour violoncelle, écrit en 1992 pour Yo-Yo Ma et commandé par le Philharmonique de Los Angeles, Rouse pousse à l'extrême, de manière typiquement frappante, l'idée dramatique du soliste se mesurant à l'orchestre. Le violoncelliste est ici un être humain, l'orchestre un meurtrier. Après un premier mouvement rapide et violent, dans lequel le soliste crie et meurt, l'oeuvre se termine par un extraordinaire adagio. Cette représentation de la nanoseconde où la vie s'enfuit figure parmi la musique lente la plus tendue, la plus impressionnante et la plus puissante de notre temps.

Cet adagio, comme tous les adagios de Rouse, est tout émerveillement. Rouse a fait l'observation que sa musique de ces dernières années a été une musique d'adieux, souvent à des parents, amis et collègues disparus. Mais c'est aussi une musique de catharsis, de survie, et une célébration de la vie. En conséquence, même le Karolju controversé, ces noëls à l'ancienne mode de Rouse dans des langues étrangères déformées, devient à la fois une libre manifestation de cet émerveillement, et un adieu plus réservé à l'innocent émerveillement de l'enfance. Cette oeuvre nous rappelle que, de même que Rouse dans ses moments les plus sombres est aussi un compositeur avec une prédilection pour la lumière, dans ses moments les plus légers il n'abandonne jamais le monde réel pour un monde faussement idéal.

Mark Swed, 1996
(Critique en chef du Los Angeles Times)

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