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Introduction à la musique de Maxwell Davies
par Paul Driver

Peter Maxwell Davies est l’un des compositeurs les plus féconds et les plus fascinants de Grande-Bretagne, une figure de premier plan au sein d’une génération de compositeurs pour lesquels le système dodécaphonique de Schoenberg n’avait rien d’effrayant et n’exigeait aucune adhérence servile. Davies et ses compagnons adoptèrent une vue continentale de la musique moderne avec un aplomb tout à la fois tranquille et assuré qui ferma la porte de manière décisive au style pastoral à la Vaughan Williams qui avait dominé la musique britannique jusqu’aux années cinquante.

Chez Davies, cette approche Schoenbergienne acquit un enrichissement et une individualité cruciale grâce aux liens qu’il perçoit avec les méthodes médiévales consistant à construire systématiquement un ouvrage musical à partir de sections de plain chant. Il vit des liens tout aussi stimulants entre la structure rythmique de la musique médiévale et celle du raga indien qu’il choisit comme sujet de sa thèse universitaire. C’est ainsi qu’il se forgea sa propre voie créatrice; la subjection de fragments de plain chant emblématiques à un système de permutation quasi-sériel et de dessins isorythmiques élaborés lui permit non seulement de composer ces pièces de jeunesse rigoureusement construites et d’une texture austère, telles que les Cinq Motets (1959), mais également de produire des déclarations d’un lyrisme lumineux comme la cantate Leopardi Fragments (1962), et ceci en fait constitue le fondement de pratiquement tout ce qu’il a écrit.

Maxwell Davies s’est rapidement trouvé à la tête du nouveau mouvement d’avant-garde britannique: un personnage qui aime choquer, mais aussi clairement une figure du plus grand sérieux artistique. Ce sérieux est particulièrement en évidence dans de grandes partitions néo-expressionnistes sombres, parfois d’une coloration Mahlérienne surprenante, comme la Seconde Fantaisie sur un In Nomine de John Taverner (1964) pour orchestre, Worldes Blis, un "motet" pour grand orchestre sur une monodie anglaise du 13ème siècle, et bien entendu, l’opéra Taverner (1970), un ouvrage complexe qui prend pour thème la vie et la conscience du compositeur anglais éponyme.

L’amoureux du scandale s’est révélé dans une série de pièces brillantes et flamboyantes pour la scène. Dans Huit Chants pour un Roi Fou pour voix d’homme et ensemble, ou dans le ballet Vesalii Icones (tous deux composés en 1969), le procédé de transformation thématique explose aux moments de tension en une parodie sauvage. Le plain chant éclate en foxtrot, et l’acide de la trahison s’écoule à travers la partition tandis qu’il marque de sa brûlure le sujet même.

Le trahison – religieuse, artistique, personnelle – était le thème expressionniste constant des ouvrages de Davies, souvent écrits dans une véritable fournaise d’inspiration pendant les années soixante et au début des années soixante-dix. Mais les impulsions d’un classicisme plus calme l’ont progressivement envahi; avec la création de sa première symphonie (1976) – une oeuvre étrangement complexe et ambitieuse de plus de cinquante minutes d’exécution – la voie était prête pour une exploration et une réinterprétation à long terme (selon les propres termes de plain chant qu’utilise Davies) de la forme sonate classique et des fonctions tonales qui l’accompagnent.

Après des années d’une production abondante pour son propre ensemble de musique de chambre, The Fires of London, Davies se tourna principalement vers l’écriture pour petits et grands orchestres; il y eut trois autres symphonies, puis un Concerto pour Trompette, et la série des dix Strathclyde Concertos qui est maintenant presque complète; chacun d’eux fait appel à un ou à plusieurs chefs de pupitre du Scottish Chamber Orchestra avec lequel Davies a établi des liens étroits comme compositeur et chef d’orchestre.

Les exigences de ses activités régulières de chef d’orchestre sont reflétées dans la simplification des rythmes et des textures qui marque les ouvrages pour orchestre plus récents de Davies. Bien entendu, il y a aussi un esprit de continuité important: la façon de régler l’allure générale et d’établir des paragraphes, une prédilection pour des couleurs orchestrales simples et fonctionnelles (des cordes sombres, pleines d’anticipation, des battements de tambour déclamatoires!) demeurent constants. Mais les escapades les plus folles d’oeuvres telles que le "foxtrot pour orchestre" St Thomas Wake (1968), ou Worldes Blis, ont été supplantées par les éléments d’une évocation remarquable des paysages des Orcades où Davies s’établit au début des années soixante-dix. De la Stone Litany pour voix et orchestre (1973) jusqu’à cette récente avalanche de concertos, sa musique orchestrale est pleine du cri des mouettes, des échos d’airs populaires écossais et des colères de la Mer du Nord.

Au cours de cette période du développement de Davies consacrée principalement à une écriture symphonique abstraite, l’influence tutélaire de Mahler semble avoir été remplacée par celle de Sibelius. Evidemment, Davies demeure essentiellement lui-même, à la poursuite de ses hautes ambitions créatrices grâce à un langage et un vocabulaire extrêmement personnels; il compose aussi abondamment que toujours et, même si son registre est plus formel et plus tranquille, avec toujours autant d’audace.

Paul Driver, 1993

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