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Les œuvres de Steve Reich
par Keith Potter

La découverte des premières œuvres de Steve Reich It’s Gonna Rain (1965), Piano Phase (1967) ou Drumming (1970-71) fournit maintes raisons d’appliquer le terme de « minimaliste » à cette musique vivement contrapunctique et aux déplacements incessants de motifs simples. Néanmoins, cette définition ne fait que partiellement justice à la production du compositeur durant les trois dernières décennies.

A l’intérieur même de chacune de ses compositions, le langage musical de Steve Reich évolue, de fait, constamment. Toute nouvelle idée est creusée pour son potentiel et semble guider l’auditeur vers une étape prévisible. Or, soudain, une vision neuve, ou le retour d’un ancien concept abandonné, modifie la perspective d’écoute, même lorsque les motifs répétitifs et la pulsation régulière sont perceptiblement maintenus. La musique de Reich défie la manière d’écouter, voire de penser.

Ce processus commença dès 1967, alors que Reich parvint à la conclusion que la mise en phase d’un motif court contre lui-même, déterminant un contrepoint à la progression lente, s’avérait plus intéressante traitée par des instruments jouant en direct qu’à partir du support des bandes magnétiques enregistrées qui en avaient permis le procédé. L’évolution de Reich peut être retracée dès lors avec une remarquable cohérence, de la complexité harmonique croissante et le charme des textures de Music for Eighteen Musicians (1974-76), à la remarquable impulsion mélodique de Eight Lines (oeuvre intitulée à l’origine Octet – 1979), puis au retour à la mise en musique de textes, en hébreu comme dans Tehilim (1980-81) ou en anglais comme dans The Desert Music (1982-84).

L’envergure des œuvres de Reich n’a jamais cessé de croître depuis cette époque. Son œuvre fondamentale Different Trains (1988) reprend certaines des techniques des premières bandes enregistrées de discours parlé afin d’accomplir le bond en avant cataclysmique qui mène au théâtre musical avec The Cave (1989-93) et Three Tales (1996-2002), écrites en collaboration avec la vidéaste Beryl Korot. Ces trois partitions utilisent l’échantillonnage de conversations et d’autres sons au sein d’un contexte instrumental – et théâtral pour les deux dernières – interprété en direct, dans lequel les mélodies et rythmes « émergeant » de la parole sont imbriqués dans des structures harmoniques d’une complexité grandissante. Par ailleurs, elles approfondissent la recherche impatiente d’un sens nouveau à l’Holocauste, à l’héritage d’Abraham au XXème siècle et à la valeur des technologies modernes.

Ces notions imprègnent Daniel Variations (2006), mise en musique de textes de et sur le journaliste américain Daniel Pearl, kidnappé et assassiné au Pakistan en 2002. Le glas des métallophones et des quatre pianos prennent leur point de départ dans les récentes avancées harmoniques et les timbres inédits établis par Reich au cours des premières années du XXIème siècle qu’il porte à des sommets inouïs d’intensité lyrique et de gravité dense.

Double Sextet (2007), de son côté, ouvre de nouveaux horizons à l’habituel entrelacement de motifs joués par des paires d’instruments identiques. 2x5, en revanche, revient au style plus ancien de Reich comme inspiration de sa première œuvre destinée à une instrumentation entièrement rock.

Les compositions des trois dernières décennies de Steve Reich ont été accueillies de plus en plus favorablement dans les salles de concert occidentales, ainsi que le prouve le Prix Pulitzer pour la musique qui lui a été attribué en 2009. Les artistes du mouvement DJ actuel, depuis Brian Eno, ont notamment adopté ses premières partitions incisives, en particulier pour leur approche radicale de l’expérience temporelle. Toutefois, un des messages essentiels émanant de l’ensemble de l’œuvre du compositeur Steve Reich préconise la transgression de telles limites culturelles, là où elles existent encore aujourd’hui.

Keith Potter, 2009
(Traduction Agnès Ausseur)

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