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Introduction à la musique de Michael Torke
par Mark Swed

Avec ses deux oeuvres les mieux connues, Ecstatic Orange et The Yellow Pages, écrites en 1985 alors qu’il était élève de composition à Yale, Michael Torke a pratiquement défini le post-minimalisme, une musique dans laquelle un groupe éclectique de jeunes compositeurs utilise les structures musicales répétitives héritées d’une génération précédente afin d’introduire des techniques de composition provenant aussi bien de la tradition classique que du monde pop contemporain.

Si l’on ajoute cette énergie exubérante et l’application tapageuse d’une couleur instrumentale très vive, The Yellow Pages pour ensemble de musique de chambre, et Ecstatic Orange, la première oeuvre pour orchestre de Torke, semblent reflèter l’esprit optimiste et presque arrogant qui régnait dans le milieu artistique des années quatre-vingts. Comme dans le procédé de l’Architecture, la musique de Torke n’hésite pas à emprunter le matériau familier de la musique pop, à le briser avant de le reconstruire dans un bouillonnement merveilleusement imprévisible. Ainsi que la littérature et la peinture post modernistes, Torke crée une imagerie musicale étonnante qui s’empare des sens et les entraîne avec un panache rythmique que beaucoup considèrent irrésistible.

Ce qui est surprenant, c’est que Torke a réalisé tout ceci en employant des méthodes et des procédés chers aux compositeurs des périodes aussi lointaines que le Moyen Âge – tel que l’utilisation de la musique de danse populaire pour animer la musique savante, ou l’évocation de couleurs par les sonorités – mais de telle façon qu’ils semblent incarner quelque chose de complètement nouveau en musique. Ceci est dû au fait que Torke, bien qu’il puise une grande partie de son inspiration dans la chanson populaire, conserve au fond une inspiration essentiellement personnelle, comme par exemple lorsqu’il utilise une ligne de basse de Chaka Kahn pour servir de base à son propre ostinato. Sa conception de la couleur est également capricieuse et individuelle. Torke est extrêmement sensible aux effets de la synesthésie qui provoque l’association d’accords et de tonalités différentes à des couleurs particulières; beaucoup de ses compositions ont pour titres des noms de couleurs, puisant leur atmosphère et leur caractère dans l’interprétation qu’il donne à cette couleur.

A l’encontre de nombreux compositeurs américains qui grandissent au contact de la musique populaire et se sentent par la suite obligés de se purifier de ces influences lorsqu’ils se tournent vers la composition "sérieuse", Torke (qui est en outre un virtuose du piano) passa son enfance dans un véritable bain de musique classique conventionnelle. C’est seulement quand il entra à la Eastman School of Music qu’il découvrit la musique de rock et de jazz, et depuis ce moment-là, son enthousiasme pour la musique populaire est devenu en quelque sorte une mission dans son oeuvre. Les éléments de la musique pop influencent à divers degrés la structure de la pièce, imposent le contenu harmonique et mélodique, animent le rythme et la pulsation de la partition. Cependant, ce n’est pas tant la sonorité ou la structure apparentes de ces éléments pop qui s’infiltrent dans l’oeuvre de Torke – puisque sa musique est construite de manière exquise et souvent néo-classique – mais d’une façon plus subjective l’énergie du rock que ces éléments introduisent dans la musique de concert.

Et c’est à cause de cett énergie irrésistible – car après tout, la musique populaire est avant tout musique de danse – que les oeuvres de musique de chambre de Torke aussi bien que celles pour orchestre de Torke ont séduit les chorégraphes, en particulier Peter Martins du New York City Ballet. A l’heure actuelle, Martins a déjà produit la chorégraphie de sept compositions de Torke (dont quatre sont des commandes du New York City Ballet), ce qui rappelle les liens entre Balanchine et Stravinski qui marquent une époque précédente de l’histoire de cett compagnie.

La comparaison avec Stravinski revient constamment lorsqu’on parle de la musique de Torke, car ils possèdent en commun le développement incessant de thèmes fragmentés et une ingéniosité rythmique débordante. Mais avant tout, ce sont les procédés formels de Torke qui s’inscrivent le plus précisément dans la tradition de Stravinski. Dans Adjustable Wrench par exemple, une phrase de musique pop de quatre mesures est soumise au cours d’un développement totalement imprévisible à des transformations aussi radicales et complexes que subirait un air poplulaire original sous la plume de Stravinski ou de Bartók.

Bien que de telles méthodes caractérisent presque toutes les oeuvres de Torke, leur utilisation varie considérablement d’ouvrage en ouvrage. A la limite, Torke devait introduire dans sa musique un nombre sans cesse croissant d’éléments empruntés aux 18 et 19èmes siècles – tels que les procédés de développement beethovénien qu’il utilise avec tant d’aplomb dans Ash – avant d’essayer carrément des pastiches dans le style de ces deux siècles comme le prouvent et sa Messe chorale, danse rituelle écrite pour le New York City Ballet, et Bronze pour piano et orchestre.

Toutefois, ceci ne devait être qu’un bref détour, et le retour récent de Torke à un style plus moderne, entraîné par l’énergie de sa vibration, a crée des tensions encore plus spectaculaires, d’autant plus que le développement complexe de son langage harmonique et mélodique ne cesse de s’accroître. Qui plus est, il continue à découvrir de nouvelles voies pour enrichir la musique de concert par des techniques non classiques. Dans son nouveau quatuor à cordes, Chalk (pour lequel le compositeur évoque l’image extraordinaire d’"une fumée de colophane qui s’élève comme un nuage de craie du chevalet des instruments à cordes, telle est l’intensité avec laquelle les joueurs donnent leurs coups d’archet") Torke demande aux musiciens de se laisser aller totalement afin de traduire les rythmes mécaniques. Dans ce cas précis, Torke sape le formalisme classique du rythme minimaliste avec le style de jeu passioné du rock, et il recrée le conflit perpétuel entre classicisme et romantisme à travers la modernité de couleurs et de formes propres à la fin du 20ème siècle.

Mark Swed, 1994
(Critique en chef du Los Angeles Times)

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