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Introduction à la musique de Panufnik
par Calum MacDonald

L’Ouverture tragique d’Andrzej Panufnik, l’une de ses premières oeuvres qui ait été conservée (elle avait d’ailleurs été détruite lors du soulèvement de Varsovie, mais fut reconstituée de mémoire peu après), illustre de façon extrême le paradoxe autour duquel s’articule l’art bien particulier de ce compositeur. L’oeuvre entière est issue d’une cellule chromatique unique constituée de quatre notes, cellule concise, sans cesse transformée, inversée, augmentée et animée d’une pulsion rythmique remarquable pour produire un argument musical indivisible et impitoyable. Le schéma formel est complexe jusqu’à l’abstraction; et pourtant l’impact émotionnel de cette partition véritablement "tragique" est considérable et n’aurait guère pu être réalisé sans cette obsessionnelle concentration de la matière première musicale.

Au cours des cinq décennies successives, Panufnik développa et raffina une méthode de composition entièrement originale. Une cellule de trois ou quatre notes engendre le contenu unique, harmonique et mélodique de chaque morceau. Projetée dans le domaine de la forme avec mesure, tempo, timbre et dynamique, elle engendre aussi sa structure générale. Ces structures – dont certaines font intervenir en outre le symbolisme des nombres – se prêtent souvent à une expression schématique: les symétries entrecroisées d’Autumn Music et d’Universal Prayer, les interpénétrations tantriques de Triangles, le cadran de quintes des Miniature Studies, les sphères croissantes de Sinfonia di Sfere, l’"arbre cosmique" efflorescent d’Arbor Cosmica. La méthode ressemble peut-être à une forme de sérialisme (et en est une dans une certaine mesure); mais son orientation spirituelle, et sa réinterprétation de la fonction harmonique traditionnelle, sont extrêmement différentes de la méthode dodécaphonique schönbergienne. Elles font plutôt penser aux doctrines philosophiques du microcosme et macrocosme de la Renaissance. Les diagrammes de Panufnik évoquent la "géométrie mystique" pratiquée par certains magiciens hermétiques du seizième siècle, dont quelques-uns prospèrent à Cracovie dans sa Pologne natale: symboles talismaniques non pas de mathématiques mais de mathesis, "science supérieure" de l’âme profondément religieuse qui exprimait les vérités humaines à l’aide des formes géométriques.

La musique de Panufnik est profondément humaine et a un effet direct sur les émotions. La structuration renforce parfois cet effet. Tantôt elle remplit un rôle très nécessaire d’objectivation et d’équilibre: formes sculpturales ou évocations de rites hiératiques disciplinent des émotions tumultueuses. Tantôt les oeuvres deviennent sujets de contemplation plutôt que d’engagement direct. L’émotion même peut avoir une origine aussi bien religieuse que personnelle – parfois autobiographique, comme le souvenir du bourdonnement des fils téléphoniques dans son enfance, et les messages secrets dissimulés dans leur "musique", qui inspira le Deuxième quatuor.

Ces préoccupations s’allièrent à l’identification avec son pays natal que Panufnik ressentit toute sa vie: sa culture musicale (Old Polish Music, Hommage à Chopin), ses traditions populaires (Troisième quatuor) avec leurs mélodies et leurs danses (Sinfonia rustica), ses paysages, son histoire religieuse (Sinfonia Sacra, Song to the Virgin Mary), son martyre pendant la guerre (Tragic Overture, Sinfonia Elegiaca) et sa tourmente politique depuis (Nocturne, Katyn Epitaph, Sinfonia Votiva et Concerto pour basson).

Le fait que cette identification avec ce qu’il y avait de précieux dans un pays l’ait mené à une vision consciemment internationale n’est pas du tout un paradoxe. Certaines oeuvres tentent de traiter le problème existentiel commun à toute l’humanité – Universal Prayer, A Procession for Peace, et la Neuvième symphonie, Sinfonia della Speranza. L’immense palindrome de cette dernière est l’apogée monumental du souci de symétrie ordonnée de Panufnik, symbole de son idéalisme humain. Ses dernières oeuvres s’orientèrent ensuite vers de nouvelles directions. Vers la fin de sa vie, la dureté harmonique inattendue du morceau de musique de chambre auquel il attribua sans incongruité le titre d’Harmony, et la bravoure rhapsodique de la Dixième symphonie annoncèrent une liberté de forme et une audace d’expression nouvelles, et on en viendra peut-être à considérer qu’elles comptent au nombre de ses oeuvres les plus originales.

Calum MacDonald, 1994

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